L’envers du décor

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Cette année, l’égérie du Salon de l’agriculture s’appelle Fine. C’est une vache de la race Bretonne Pie-Noir, qui trône fièrement dans l’entrée du hall des animaux, insensible aux flashs des photographes. Une race « totalement anachronique dans le cheptel français », note amèrement le Canard enchaîné dans son numéro du 22 février. Et pour cause : on ne compte que 2 200 têtes de Bretonnes Pie-Noir, à comparer aux 2,5 millions de vaches Prim’holstein, qui représentent plus de 60% des vaches laitières en France.

Et le scénario se répète chaque année : on se souvient de Cerise, égérie de l’édition 2016, une bazadaise dont l’effectif ne dépasse pas 5 000, ou encore Filouse la Flamande, une race dont on décompte seulement 2 000 têtes et qui était à l’honneur en 2015.

Le Salon de l’agriculture serait-il une simple vitrine qui ne reflèterait pas la réalité agricole française ? L’an dernier, en pleine crise laitière, les visiteurs ont pourtant reçu cette réalité en face : dans les allées du salon, les éleveurs arboraient des t-shirts noirs sur lesquels était inscrit « Je suis éleveur, je meurs ». Un peu partout, de grandes banderoles reprenaient la même phrase.

La mort est dans le pré

En cette année électorale, pas de banderoles. Pourtant, la situation n’a pas tellement évolué : le prix du lait est toujours aussi bas (environ 0,3 euros le litre), le nombre d’éleveurs laitiers diminue chaque année et un sur cinq dégage un revenu négatif. Il suffit de sortir de Paris pour les retrouver, ces fameuses banderoles, accrochées à des tracteurs par des producteurs à bout. Il y a quelques semaines à Agen, on pouvait par exemple y lire « La mort est dans le pré », ou encore « On vous nourrit mais on crève ». Une centaine d’agriculteurs étaient venus alerter les pouvoirs publics sur les difficultés rencontrées par leur profession, suite au suicide récent d’un des leurs.

Pour les candidats à l’élection présidentielle, le traditionnel passage au Salon de l’agriculture est un rendez-vous incontournable. Ils distribuent sourires et poignées de main, énoncent des promesses et prennent la pose aux côtés de Fine. Mais, depuis le début de la campagne, « personne ne parle d’agriculture », regrettent les éleveurs. Avant que ceux-ci ne disparaissent, les politiques les écouteront-ils ?