La première réponse que l’on pourrait apporter est de savoir faire le distinguo entre qualité et origine des productions agricoles. Un produit français est-il nécessairement un produit de qualité ? Non. Bien sûr, on peut trouver des aliments de qualité supérieure et français, mais l’enjeu de la qualité n’est pas toujours le même pour les filières de l’agro-alimentaire… de même que la notion même de « qualité » qui peut être liée aux propriétés gustatives des aliments ou à leur sécurité sanitaire. D’après l’Institut National de l’Origine et de la qualité (INAO), organisme chargé de la mise en œuvre de la politique française relative aux signes officiels d’identification de l’origine et de la qualité des produits agricoles et agroalimentaires, c’est la notion de « terroir » par exemple qui fonde le concept des appellations d’origine (AOC et AOP). L’AOC ou son homologue européen l’AOP renvoient à un produit dont les principales étapes de production et de transformation sont réalisées selon un savoir-faire reconnu dans une même aire géographique, qui donne ses caractéristiques au produit. C’est un signe européen qui protège le nom du produit dans toute l’Union Européenne. Une quarantaine de fromages sont ainsi sous appellation d’origine contrôlée, comme le Saint-Nectaire, le banon ou le roquefort. De même, l’Indication Géographique Protégée (IGP) identifie un produit agricole, brut ou transformé, dont la qualité, la réputation ou d’autres caractéristiques sont liées à son origine géographique. Beaucoup de vins sont concernés, ou des productions emblématiques comme la clémentine de Corse. Pour prétendre à l’obtention de ce signe officiel lié à la qualité et à l’origine (SIQO), une étape au moins parmi la production, la transformation ou l’élaboration de ce produit doit avoir lieu dans cette aire géographique délimitée. La nuance entre AOP et IGP est donc fine pour le consommateur mais dans le cadre de l’IGP, toutes les phases d’élaboration ne sont pas obligatoirement réalisées dans l’aire géographique en question. Les IGP sont donc surtout un gage de qualité lié au terroir, alors que les AOC et AOP garantissent une qualité globale supérieure pour le consommateur car toutes les phases d’élaboration sont cantonnées à une aire géographique donnée.
A contrario, le Label Rouge (LR), mieux connu des consommateurs à travers des productions emblématiques comme le poulet de Loué, est un signe de qualité supérieur mais pas un gage d’origine. Il est ouvert à tous les produits, quelque soit leur origine géographique (y compris hors de l’Union Européenne). Les denrées alimentaires labellisées ont, par leurs conditions de production ou de fabrication, un niveau de qualité supérieur par rapport aux autres produits similaires habituellement commercialisés. Le label « Agriculture Biologique » (AB) quant à lui désigne les produits ayant bénéficié d’un mode de production qui allie les pratiques environnementales optimales et en l’absence de produits de synthèse, tout en respectant la biodiversité, la préservation des ressources naturelles et l’assurance d’un niveau élevé de bien-être animal, mais sans que ces caractéristiques se rapportent à une zone géographique donnée.
AOP, IGP, Label Rouge et AB représentent les principales dénominations de qualité et d’origine reconnues par l’état et bénéficiant de logos nationaux ou communautaires. A ces signes officiels s’ajoutent des mentions que l’on appelle « valorisantes » et que l’on rencontre de plus en plus dans les grandes surfaces : produits « de pays », « de montagne », produits « fermiers » ou « produit à la ferme ». Elles permettent de mettre en exergue certains traits et font plus appel à la subjectivité du consommateur qu’au renvoi à un cahier des charges spécifique.
Des conditions de production et de transformation très strictes…
Il faut revenir à 1960 pour comprendre l’origine des labels agricoles et en particulier du très célèbre Label Rouge. Sous le gouvernement de Michel Debré, une loi d’orientation agricole conduit à la création d’un signe de qualité permettant à un groupe d’aviculteurs (éleveurs de volaille) de l’époque de développer un élevage traditionnel reconnu pour le consommateur, et ce à une époque d’industrialisation forte de l’agriculture. En 1965, le poulet des Landes obtient le premier label viande, suivi peu après par l’ail rose de Lautrec avant de s’étendre à la plupart des productions, principalement carnées. En 2015, la moitié du chiffre d’affaires généré par les bénéficiaires du Label Rouge (environ 700 millions d’euros) était destiné aux volailles, oeufs et foie gras.
Le Label Rouge est aujourd’hui le premier signe de qualité de la viande française. Son cahier des charges très strict soumet ses bénéficiaires à des contrôles fréquents. « Il faut que le consommateur ait des garanties. Les organismes certificateurs sont indépendants des éleveurs et font des contrôles inopinés garantissant le respect du cahier des charges », explique Yves Robert, éleveur de volailles Label Rouge. Pour la viande de volailles, ce label est ainsi la garantie :
- de parcours en plein air ou en liberté toute la journée pour les poulets, et d’une densité dans le poulailler limitée par rapport aux élevages sans labels ;
- d’une alimentation constituée au minimum de 75 % constituée de céréales ;
- d’un élevage d’au minimum 81 jours, contre parfois moins d’une quarantaine de jours pour les animaux sélectionnés pour leur croissance exceptionnellement rapide.
La qualité supérieure de la viande est garantie par des analyses sensorielles régulières. L’analyse hédonique permet de vérifier si les consommateurs préfèrent les produits Label Rouge aux produits standards et sont réalisées à l’aveugle par un panel de consommateurs. Les profils sensoriels sont eux réalisés par un panel d’experts jugeant de la qualité du produit.
… et des dérives prévisibles
Pour être efficace et attirer l’attention du consommateur, un bon logo vaut-il mieux qu’un long discours ? Pas sûr, car il faut parfois voir au-delà de l’étiquette. Plusieurs grandes enseignes de distribution ont ainsi développé leurs marques d’origine et de qualité, rendant encore plus forte la confusion entre marketing et traçabilité réelle des produits. L’appellation « Origine et Qualité Carrefour » a ainsi fait couler son lot d’encre auprès de l’INAO. « Depuis fin 2013, nous avons tenté de faire entendre à Carrefour qu’il n’est pas normal d’utiliser les termes « origine et qualité » pour une marque distributeur surtout si elle mélange produits labellisés (AOC, label rouge, produits bio) et produits non labellisés. Nous défendons les signes de qualité depuis 1935 et c’est la première fois que nous devons défendre en justice la propriété du concept ! », témoigne Jean Luc Dairien, président de l’INAO.
Vers une uniformisation mondiale ?
Plus que simplement développer des moyens d’intéresser les consommateurs aux enjeux de qualité à travers les labels, un travail important est mené en Europe et dans le reste du monde pour unifier ces signes et les développer d’après les modèles européens notamment. « La mise en place de l’indication géographique en Chine est arrivée au bon moment et a toutes les chances de rencontrer un succès grandissant », confie Catherine Etchart, directrice de Sopexa Pékin, agence de communication et de marketing spécialisée dans l’agroalimentaire. « Face aux problèmes sanitaires récurrents, le marché a besoin d’une standardisation et des contrôles de qualité au niveau national. L’obtention des IG permet d’augmenter la notoriété des produits chinois et les rendre plus compétitifs sur la scène mondiale ».
Au delà des signes, labels et mises en exergue de l’industrie agroalimentaire, le meilleur gage de qualité et d’origine reste la traçabilité directe jusqu’au producteur, quand cela est possible. Cette proximité consommateur-agriculteur peut rendre la visibilité sur les produits achetés plus honnête et claire. Cela suppose malheureusement (nous dirons heureusement !) une curiosité et un investissement qui ne peut se limiter à une rapide lecture d’étiquettes… ou même une lecture d’article !