Le blé, du semis à l’assiette

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Deuxième céréale produite dans le monde après le maïs, le blé est une culture phare du paysage agricole français. On en consomme beaucoup, mais que sait-on vraiment de la manière dont il est produit ? Petit tour d’horizon sur cette céréale qui nous est si chère.
Photo d'un champs de blé avec une niveau du haut des épis

Du blé, oui, mais lequel ? Le blé tendre sert à la fabrication du pain à partir de farine. C’est la première céréale produite dans le pays et elle occupe près de 5 millions d’hectares. Le blé dur sert à fabriquer les pâtes et autres semoules. Les deux espèces de céréales peuvent être semées à l’automne, ou bien au printemps, le climat jouant un rôle non négligeable dans le choix de la période de semis.

Ces deux espèces de blé se déclinent en de très nombreuses variétés, choisies par les agriculteurs selon des critères bien définis : rendement potentiel (c’est-à-dire quantité de grains potentiels à la récolte), sensibilité à certaines maladies ou ravageurs, ou encore taux de protéines. Ce taux a une importance fondamentale car c’est le principal critère retenu par les organismes qui vont ensuite transformer la matière première. Plus il est élevé, et plus le produit est généralement de bonne qualité. Certaines entreprises acceptent un taux de protéines différent de leurs voisines, en fonction du matériel dont ils disposent ou du procédé utilisé pour transformer le blé. Ainsi, de grandes enseignes comme Barilla ou Lustucru n’accepteront pas nécessairement les mêmes taux de protéines. Ce qui en découle est fondamental pour l’agriculteur : en fonction de la qualité de sa récolte, le débouché de son produit ne sera pas forcément le même. Certains exploitants se voient donc parfois refuser l’achat de leur blé tendre par certains moulins, faute d’une qualité trop faible…. et c’est alors leurs revenus qui en pâtissent !

Lumière, eau, éléments nutritifs

Parce que le blé est cultivé depuis les débuts de l’agriculture, estimée à il y a environ 10 000 ans, on en connait désormais beaucoup sur la manière dont doit être conduite la culture pour obtenir un rendement et une qualité acceptable. Comme la plupart des plantes, le blé nécessite de la lumière, de l’eau et des nutriments. Les blés d’hiver, semés autour du mois d’octobre, se développent jusqu’à l’été suivant, soit sur une période d’environ neuf mois. « Un seul pied de blé peut produire 200 km de racines cumulées au cours de son développement ! », estime Claude Bourguignon, ingénieur agronome spécialisé en microbiologie des sols. C’est au printemps, lorsque les pluies et la chaleur sont là que la plante se développe le plus et que les épis se développent. Ces derniers vont contenir les grains, produit de la récolte.

Pour pallier les variations climatiques évidentes dans le pays, de nombreuses variétés existent, et chacune est adaptée à un climat local (tempéré, semi-montagnard, méditerranéen, etc.). L’eau est apportée soit par les pluies, soit par un système d’irrigation pour ceux qui en bénéficient. En France, lorsque le blé dur est irrigué, les rendements peuvent atteindre 7 tonnes de grains par hectare (1 hectare = 10 000 m²), voire plus comme dans des régions très « fertiles » comme la Beauce. Ces rendements sont souvent supérieurs aux rendements obtenus en blé non irrigué, notamment dans le sud de la France où les pluies sont moins abondantes. Un déficit hydrique au moment où le blé forme son grain peut conduire à une baisse significative en qualité et quantité du grain. Pour les blés d’hiver, ce déficit survient généralement à la fin du printemps, lorsque les pluies sont potentiellement réduites et que le blé commence à former son grain.

Avec l’apparition des engrais minéraux dans les années 1950, les rendements en blé ont grimpé en flèche ! Principal élément concerné ? L’azote, qui est déterminant notamment pour la constitution du « vert » de la plante. En agriculture biologique, les engrais chimiques étant interdits, ce sont les apports de fumier, compost ou autres matières organiques qui assurent souvent l’apport en azote. Cependant, cet azote n’est pas directement assimilable par la culture, contrairement aux engrais minéraux issus de la chimie. En effet, la grande majorité de l’azote étant absorbé par la plante sous forme minérale, l’azote organique doit passer par une phase dite de minéralisation avant d’être disponible pour la culture. Mais cette minéralisation n’est que partiellement contrôlable par l’agriculteur. Cela peut conduire à des blés carencés en azote, c’est-à-dire qui manquent d’azote pour bien se développer. Les rendements en blé biologique sont donc souvent inférieurs aux rendements en agriculture dite « conventionnelle ». Cependant, un blé bien conduit dans un système de culture biologique réfléchi peut atteindre les rendements tout à fait satisfaisants, parfois supérieurs à ceux obtenus dans des systèmes conventionnels !

Comme pour de nombreuses autres espèces cultivées, le blé peut aussi attirer son lot de ravageurs, comme des pucerons, ou encore des maladies, qui poussent parfois les agriculteurs conventionnels à traiter leurs cultures grâce à l’usage de pesticides. Les exploitants en Agriculture Biologique, qui par leur label ont l’interdiction d’utiliser des produits issus de la synthèse chimique, ont généralement moins d’options pour lutter contre ces invasions. Les conséquences sur la production sont alors plus dramatiques, même si leur prix de vente est souvent supérieur à celui des blés de l’agriculture conventionnelle.

Produits de récolte

Après la récolte du blé, ce dernier est stocké dans des silos avant d’être acheminé vers les lieux de transformation (moulins pour obtenir la farine à partir du blé tendre par exemple). Ce stockage peut être relativement long, compte tenu des exportations possibles de la céréale à travers l’Europe ou le reste du monde. Au contraire, des associations bénéfiques de proximité entre producteurs et transformateurs peuvent être créées et assurer une valorisation locale de la ressource et de la main d’œuvre. Des producteurs, un organisme de stockage local et un moulin… et la filière et les prix de revient peuvent rester dans les mains des acteurs de la filière !

Pour la fabrication du pain, le blé tendre est généralement broyé plusieurs fois pour obtenir la farine. La fabrication des pâtes à partir du blé dur est obtenue en broyant le blé en semoule, puis en mélangeant la semoule avec de l’eau. La pâte obtenue est extrudée – processus qui permet d’extraire l’air présent dans la pâte – puis passe dans un moule pour obtenir les formes que l’on souhaite. Après séchage, les pâtes sont emballées et prêtes pour être cuisinées.

La France est souvent qualifiée de « grenier de l’Europe » parce que sa production largement excédentaire la place en tête des pays producteurs. Cependant, elle se heurte également aux exportations fortes de la Russie, de l’Ukraine, ou de la Roumanie pour des raisons de compétitivité. La Chine, l’Inde, les États-Unis, la Russie et l’Europe représentent les deux tiers de la production mondiale de blé. Le marché mondial des céréales impose aux agriculteurs des prix de vente de blé très volatils, et qui depuis plusieurs années ont tendance à baisser. Certains optent alors pour d’autres cultures, comme l’orge ou le triticale (hybride entre le blé et le seigle), généralement moins gourmandes en fertilisants et pesticides, mais en contre partie à des prix de vente moins élevés.