Une définition
L'agroforesterie est une pratique (ancestrale!) qui associe les arbres avec d'autres cultures et/ou de l'élevage. Les arbres peuvent être situés en bordures de parcelles (c'est le cas des haies par exemple) ou au milieu, souvent en lignes (on parle d'agroforesterie intra-parcellaire). Cette définition large permet d'intégrer de nombreuses pratiques agricoles et systèmes de culture.
Des intérêts de la haie dans l'agriculture
Au-delà du marqueur paysager important qu'elle représente, la haie peut jouer des rôles bénéfiques sur la ferme : maintien de la biodiversité locale en jouant sur des espèces mellifères (qui attirent les pollinisateurs), structuration du sol pour éviter les phénomènes d'érosion, limitation de l'impact du vent préjudiciable aux cultures, apports énergétiques pour les oiseaux (fruits, graines...), stockage de carbone dans les sols, mais aussi élément esthétique ! Il s'agit de bien raisonner son projet pour déterminer les objectifs liés à la haie, objectifs dépendant de chaque producteur et chaque contexte de la ferme.
Raisonner son projet...à l'échelle d'une vie
L'association entre bois d'oeuvre – c'est à dire le bois destiné à la construction, la menuiserie, l'ébénisterie, etc.– et les céréales est comme pour beaucoup de système agroforestiers, une pratique évolutive : à mesure que les arbres se développent et grandissent, le rendement des cultures peut diminuer, ces dernières étant moins pourvues en soleil. Une fois l'arbre adulte et mature, parfois au bout de 40 à 50 ans, il est récolté pour être valorisé et la parcelle redevient une parcelle "classique" sans arbres... à moins de relancer un cycle agroforestier. Ici, des cultures aromatiques entre des rangées de noyers dans l'Hérault.
Arbres et paysage
La recherche de l'esthétique et du paysage donnent aussi une place aux arbres. Dans ce projet situé à Marcevol, dans les Pyrénées Orientales, l'agriculteur a associé sur de petites parcelles des cultures aromatiques (thym, romarin, etc.) ainsi que de jeunes amandiers (visibles au second plan entre les lignes d'aromatiques). Au fur et à mesure de la croissance des amandiers, l'arbre jouera certainement un rôle dans l'attrait touristique du Prieuré, qui accueille régulièrement des groupes scolaires et touristiques.
Des étals plus diversifiés
En maraîchage, les agriculteurs associent leurs légumes avec des arbres fruitiers, souvent pour diversifier l'offre de produits commercialisables en circuits courts et pouvoir proposer une gamme de fruits en plus des légumes. La valorisation des arbres est plus rapide car les fruitiers peuvent entrer en production généralement en moins de 10 ans.
Un agriculteur, plusieurs métiers
Un métier évolutif : de maraîcher à arboriculteur, de céréalier à forestier... Les compétences à mobiliser sont souvent très larges et vont plus loin que la seule production alimentaire. Dans l'Hérault, Denis Florès, agroroforestier, valorise certains arbres présents sur sa ferme sous différentes formes : bois d'oeuvre, plaquettes (bois énergie), ou même pour un débouché de planches de surf comme c'est le cas avec le pawlonia, une espèce peu présente en France.
La biomasse végétale, source de carbone pour les sols
Les arbres adultes génèrent du bois bien sûr, mais aussi des feuilles et des branches mortes qui, en tombant sur le sol, vont le protéger de l'érosion. En surface, le sol est mieux protégé des effets du vent et des pluies qui ont tendance à le destructurer. En profondeur, les racines des arbres maintiennent un niveau d'humidité qui peut être bénéfique en terme de micro-climat pour les plantes cultivées.
Agroforesterie et biodiversité
La présence des arbres influence-t-elle la biodiversité utile sur l'exploitation ? Cette question intéresse tout particulièrement les agriculteurs, pour qui l'arbre peut bien sûr apporter son lot d'insectes et d'animaux utiles, mais aussi être le refuge de maladies ou de certains insectes ravageurs. Ici, un nichoir à abeilles est installé sur une ferme pour mieux observer l'impact de l'arbre et des pratiques agricoles sur la biodiversité des abeilles pollinisatrices.
Anticiper les effets du changement climatique
Une autre question, qui fait l'objet de travaux de recherche, est la compétition possible entre les arbres et les cultures à proximité pour la lumière, pour l'eau, ou pour les éléments minéraux. Au domaine de Restinclières, à proximité de Montpellier, un dispositif anti-pluie permet de simuler des conditions arides pour évaluer la résilience du système arbre-céréales. Dans les prochaines décennies, le climat du sud de la France pourrait se rapprocher de celui de certains pays du nord de l'Afrique, où l'accès à l'eau complique ce type de pratiques agricoles.
L'arbre, une culture à part entière dans les projets agroforestiers
La plantation des arbres requière des compétences et une attention particulière, notamment dans des territoires ruraux exposés au petit et grand gibier. Le jeune arbre est fragile, ici une gaine de protection garantit la plupart du temps l'impact du gibier : lapins, sangliers, chevreuils...
Une autre valorisation de l'arbre
Le "Bois Raméal Fragmenté" (BRF) est issu du broyage de jeunes rameaux. L'usage du BRF est aujourd'hui largement utilisé par les particuliers dans leurs jardins, soit sous forme de paillage pour limiter le désherbage, soit sous forme d'amendement organique pour le sol. A l'échelle de la ferme, certains agriculteurs bien pourvus en arbres investissent dans un broyeur adapté à leur ressource. Néanmoins, cette pratique demande beaucoup de temps.
La recherche pour comprendre les interactions entre arbres et cultures
Comment évaluer l'impact des arbres sur le rendement des légumes ? C'est une question sur laquelle travaille le cabinet d'études AGROOF sur plusieurs parcelles pilotes notamment dans le sud de la France. Ici, dans sa ferme dans le Gard, l'agriculteur a accepté de conduire certaines parcelles selon plusieurs densités d'ombrage des arbres, en fonction de l'élagage. Il reste encore beaucoup de questions suite à ces expérimentations. Certes, les rendements des légumes produits en milieu agroforestier semblent moins importants, mais leur qualité ne semble pas impactée. Au contraire dans certains cas, les légumes sont moins atteints par les effets du soleil ou par certaines maladies. Il y a donc un conpromis à faire entre rendement et qualité, comme souvent en agriculture, en travaillant sur la conduite des arbres, mais aussi sur des variétés de légumes mieux adaptées à l'ombrage.
L'agroforesterie pour optimiser les surfaces de production de la ferme
Un argument fréquent dans les projets agroforestiers maraîchers : l'accès au foncier (terres agricoles) étant de plus en plus complexe pour les néo-agriculteurs – notamment du fait de l'expansion urbaine et péri-urbaine – ils optent pour des systèmes diversifiés, maximisant la surface disponible. Au lieu d'imaginer deux parcelles séparées, l'une en production de légumes et l'autre en arboriculture, certains maraîchers optent pour un système agroforestier associant sur la même parcelle les deux productions.
Des animaux dans les vergers ?
Les pré-pâturés et plus globalement le sylvopastoralisme représentent d'assez grosses surfaces en France, mais aussi dans beaucoup d'autres pays du monde. Consommation des fruits non propres à la consommation humaine, régulation de l'herbe, entretien du stock de matières organiques par l'enrichissement des parcelles en excrément, baisse des coûts d'achats de céréales en valorisant l'herbe présente sur la ferme...de plus, dans des conditions arides notamment, cette pratique permet suivant la conduite des arbres d'apporter un peu d'ombre aux animaux qui en saison estivale viennent s'abriter sous eux.
Le bocage
Paysage traditionnel en Bretagne notamment, le bocage est constitué d'un maillage de haies façonnant les campagnes. En France, du fait de la mécanisation et de l'agrandissement progressif des parcelles à partir des années 50 et de la révolution verte, l'arbre est apparu comme un élément gênant. L'etat français subventionnait alors largement l'arrachage des haies au profit de la révolution verte. De récentes études ont montré que l'une des principales causes de baisse de la biodiversité dans nos campagnes était la disparition de l'arbre.