Grignoter des grillons

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Plutôt à la traine dans nos pays européens, la consommation d'insectes est pourtant dans les mœurs dans de nombreux pays. Leur élevage aisé et leurs intérêts nutritionnels indéniables rendent nos petits amis à pattes très intéressants pour l'alimentation humaine. Un exemple avec l'élevage du grillon, qui en Asie du Sud-Est permet aux populations locales de s'approvisionner en protéines à bas coût.
Assiette de grillons grillés

Le Programme Alimentaire Mondial, agence des Nations Unies pour lutter contre la faim, encourage la production et la consommation de grillons. En effet, ce petit insecte « chantant » que l’on trouve en très grand nombre à peu près partout dans le monde a des qualités nutritionnelles remarquables. Son goût, proche de celui du ver de farine en plus prononcé, -oui, oui : entre la noisette et l’amande- vient sublimer ses apports minéraux importants. Et au niveau nutritionnel, il n’a rien à envier à nos viandes habituelles : on y trouve en quantité importante du magnésium, du fer (entre 180 et 850 fois plus que dans la viande de bœuf), du phosphore, du calcium et de la vitamine B2 (ces deux derniers sont aussi bien plus représentés dans 100 grammes d’insectes que dans 100g de viande). Viennent s’ajouter à ce cocktail déjà riche ses qualités protéiniques et sa richesse en fibres.  De plus, le grillon est pauvre en matières grasses. De nombreux insectes sont même plus riches en énergie, sodium et acides gras saturés que le bétail conventionnel.

Des conditions d’élevage aisées

Zoom sur le travail d’une petite association française « Sourires d’Enfants » (SDE), qui déploie ses efforts dans l’est du Laos. Dans le district de Bualapha, région de Khammuane, Sourires d’Enfants soutient la production de grillons dans les écoles dont l’association appuie la construction et la gestion. L’association « Sourires d’Enfants » bâtit les structures des écoles maternelles qu’elle équipe aussi en ferme à grillons. Ces « fermes », ce sont quatre murs avec des ouvertures grillagées qui laissent entrer le soleil. Les insectes sont à l’abri du vent dans des bacs en bétons fermés par un abattant revêtu d’un filet qui évite que les grillons s’enfuient ou soient mangés par des prédateurs. Ils disposent de réservoirs d’eau plus sophistiqués que les simples mares dans lesquelles les grillons ont tendance à se noyer ; il s’agit de petites éponges ou de mèches de tissus qui doivent être humidifiées. Les bacs demandent peu d’entretien, on les tapisse de balle de riz qu’il faut changer quelques fois dans l’année.

Au Laos, manger des grillons – dont le nom scientifique est Acheta domesticus – est parfaitement dans les mœurs. C’est même un plat plutôt convoité, un kilo coûte environ 60 000 LAK (environ 6 euros). Traditionnellement, les grillons consommés par les laotien(ne)s viennent de la « chasse », SDE soutient donc l’innovation de l’élevage. Usuellement, la recherche de ce mets avec de petites pelles comporte en réalité un risque important. La course aux grillons consiste à repérer l’insecte et le traquer jusque dans le trou où il ira se terrer. A ce moment intervient le coup de pelle décisif qui constitue l’activité. Cet exercice comporte de réels risques. En effet selon le PNUD, le programme des Nations Unies pour le Développement, environ 15 provinces sur 18 qui composent « le pays des 1000 éléphants » seraient parsemées d’UXO, engins explosifs non désamorcés.

Par ailleurs, manger des insectes limite les risques de transmission de maladies zoonotiques.

Un intérêt certain pour les pays et régions peu développés

Au-delà de limiter les risques pour les amateurs gourmets, il nous faut revenir sur les avantages non-négligeables de cette culture dans les régions les plus pauvres.

L’incubation des œufs prend entre 10 et 13 jours, ensuite il faut environ 45 jours pour que l’insecte atteigne sa taille adulte. Ces animaux poïkilothermes, insectes de la famille des Gryllides, sont omnivores et peuvent donc être nourris des restes alimentaires humains. C’est la démarche préconisée par SDE pour ses cantines scolaires, invitant ainsi par la même occasion, les enseignants ainsi que les enfants à prêter attention à la gestion de leurs déchets. En cela, la production, dès lors que l’on dispose de bacs secs et aménagés, est très peu coûteuse. En outre, il faut en moyenne près de 10 fois moins de nourriture pour produire un kilogramme de protéines d’insectes que pour un kilogramme de protéine de bœuf.

De plus, l’élevage de grillons requiert peu d’espace et peu d’eau. Aucun intrant chimique n’est préconisé et les insectes peuvent servir aussi bien pour la nourriture humaine que pour la nourriture animale. Sans compter que le rejet de gaz à effet de serre est tout à fait négligeable !

Consommation d’eau nécessaire à la production de plusieurs viandes

Sourires d’Enfants promeut à travers ses fermes à grillons une agriculture familiale et durable qui serait tout à fait transposable sous d’autres horizons ; en témoignent les initiatives commerciales qui produisent des insectes pour leur consommation en Europe. En France, les insectes se retrouvent de plus en plus dans certains restaurants des grandes villes, et commencent à intéresser les grands chefs. Alors, à quand l’apéro crackers-grillons sur les tables françaises ?

 

Plus d’informations sur les initiatives portées par l’association « Sourires d’Enfants » au Laos sur la page Facebook de l’association !