Dessine-moi l’Europe

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Vingt-huit pays, presque autant de langues et de points de vue : en matière de réglementation, la machinerie européenne est souvent critiquée pour sa lourdeur et sa lenteur. Exemple avec la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques.

Il y a le continent européen, dont il est difficile de tracer les frontières. Il y a l’Union Européenne. Il y a l’espace Shengen. Il y a la zone euro. Et il y a cette carte : « zones d’évaluation des produits phytosanitaires », utilisée, depuis 2011, dans le but de simplifier l’homologation européenne des molécules chimiques utilisées sur les plantes.

Source : BASF
Zones d’évaluation des produits phytosanitaires. Source : BASF

Il faut dire qu’avant qu’un nouvel anti-pucerons n’arrive sur le marché, la route est longue. Une fois la matière active du pesticide fabriquée, elle doit être autorisée par la Commission européenne, qui va évaluer son efficacité et son impact sur la santé et l’environnement. Si elle respecte les critères d’évaluation, la molécule sera inscrite sur la liste des substance autorisées, autrement appelée « liste positive », et elle pourra être utilisée dans une préparation commerciale.

Vient ensuite la deuxième étape. Avant 2011, chaque pays devait évaluer les risques liés à chaque pesticide avant d’en accepter l’usage et la commercialisation. Pour une entreprise souhaitant commercialiser son produit, cela revenait à adresser un dossier dans chaque pays de l’UE. Avec, à la clef, beaucoup de paperasse : un dossier d’homologation peut représenter plusieurs milliers de pages !

Frontières poreuses

Dans un souci de simplification, le règlement européen 1107/2009 propose de diviser l’Europe en trois zones de « conditions agricoles, phytosanitaires et environnementales (y compris climatiques) comparables ». Lorsque l’un des pays d’une zone a autorisé le produit, il est alors autorisé dans toute la zone. La zone « Sud », dans laquelle se retrouve la France, s’étend de Lille à Chypre, deux points géographiques effectivement très comparables en matière climatique…

Chaque pays possède tout de même le droit de refuser ou de limiter l’usage d’un produit sur son territoire. Ainsi, bien que nous soyons dans la même zone que l’Espagne, certains pesticides sont autorisés chez nos voisins, mais pas chez nous. Pour autant, les frontières ne sont pas étanches : récemment, des syndicats agricoles ont montré qu’il était facile de se procurer en Espagne des produits interdits en France.

Et quand bien même chaque pays respectait sa propre régulation, les fruits et légumes, eux, voyagent dans toute l’Europe ! Les résidus de certains pesticides interdits en France se retrouvent donc parfois… dans nos assiettes.

Il faut dire qu’en matière d’harmonisation, l’UE a encore du chemin à faire. Dernière affaire en date : la bataille des néonicotinoides, plus communément appelés « pesticides tueurs d’abeilles ». En décembre 2013, la commission européenne en a interdit trois d’entre deux, au terme de plusieurs mois de combats entre les pays favorables et défavorables à l’interdiction.

Marathons juridiques

L’histoire est similaire avec les OGM. Actuellement, seul le maïs MON810 est autorisé à la culture dans l’UE. Pourtant, il n’est cultivé que dans 6 pays (Espagne, Portugal, Pologne, République-Tchèque, Slovaquie et Roumanie) et à 95% en Espagne et au Portugal. En avril 2014, la France a de nouveau voté son interdiction après un marathon juridique entre l’Assemblée nationale et le Conseil d’état.

Si la culture des OGM est très réglementée en UE et anecdotique comparée à celle du continent américain, ils sont loin d’être interdits sur notre sol. Pour nourrir notre bétail, nous importons en effet chaque année 4 millions de tonnes de soja, produit principalement aux États-Unis, au Brésil et en Argentine, où le soja est à 90% OGM.