Dans quelques jours, nous irons voter. Et si les élections européennes sont loin de passionner les français, il y a une partie de la population qui, elle, est directement concernée : ce sont les agriculteurs. Nombreuses sont les règlementations européennes dans les domaines de l’agriculture, l’environnement ou la sécurité sanitaire s’appliquant sur le territoire français. Et les aides de la politique agricole commune (PAC) représentent une part non négligeable du revenu des agriculteurs. La France est d’ailleurs le pays membre de l’Union européenne qui reçoit le plus d’aides de la PAC, soit près de 9 milliards d’euros. Un dernier chiffre enfin : près de 40% du budget global de l’UE est consacré à l’agriculture et à l’environnement. Or, s’il y a bien un sujet absent du débat public de ces élections européennes, c’est l’agriculture ! Pourtant, tous les partis ont écrit noir sur blanc leurs propositions agricoles – plus ou moins concrètes – et chaque liste (1) a un ou plusieurs candidats qui se revendiquent proches du milieu agricole.
À commencer par la liste La République en marche (LaRem) de Nathalie Loiseau, qui a choisi comme colistier Jérémy Decerle, ancien président du syndicat Jeunes agriculteurs, proche de la FNSEA. Cet éleveur bovin de 35 ans est quatrième sur la liste, en bonne position donc pour siéger au prochain Parlement européen. Le programme LaRem est largement centré sur la transition écologique, sa première grande proposition étant d’ailleurs de « faire de l’Europe une puissance verte ». Les propositions agricoles suivent celles du gouvernement (sortie du glyphosate d’ici 2021, diminution par deux des pesticides d’ici 2025) et entendent orienter les aides PAC « vers les modèles propres et respectueux du bien-être animal ».
Exportation et protection
Chez Les Républicains (LR), Angélique Delahaye, syndicaliste agricole également proche de la FNSEA, est seizième sur la liste portée par François-Xavier Bellamy. Le programme LR affiche comme première priorité la lutte contre l’immigration illégale, puis la défense des valeurs européennes. Les propositions agricoles arrivent à partir de la 42ème proposition et s’orientent autour de la « promotion de l’agriculture française en Europe et dans le monde ». Le parti souhaite soutenir l’agriculture biologique et la « modernisation des exploitations ».
Les « valeurs européennes » prennent également une importance de premier plan dans les propositions du Rassemblement national (RN), avec la liste portée par Jordan Bardella. Le programme du RN propose de « tout changer, aussi bien dans le fonctionnement des institutions européennes que dans leurs grandes orientations politiques ». Il souhaite « arrêter la PAC » et instaurer une « politique agricole française » tournée vers la protection et l’autosuffisance alimentaire.
Vers la fin des pesticides
Chez les Verts, Benoit Biteau, agriculteur bio en Charente-Maritime, est onzième sur la liste. « Faire de l’écologie la priorité de l’Europe » est la ligne directrice du parti, qui défend l’objectif d' »une agriculture 100% bio » avec une première échéance à 30% en 2025 (actuellement, l’agriculture bio représente 7% des surfaces en France). La liste portée par Yannick Jadot souhaite réorienter les aides PAC vers les petites exploitations porteuses d’emplois et favoriser la production et l’alimentation locale.
Vingt-quatrième sur la liste de La France Insoumise (LFI), Romain Dureau, 24 ans, ingénieur agronome, ne cache pas son envie de s’installer un jour. La transition écologique arrive en deuxième position du programme de LFI, après le combat pour « la souveraineté des peuples ». Le parti entend développer « une agriculture écologique et paysanne » et « réduire fortement la part de l’alimentation carnée ».
L’écologie est également l’un des axes prioritaires du programme de la liste commune Parti Socialiste – Place publique, menée par Raphaël Glucksmann. Son programme propose que 70% du budget de la PAC soit alloué « aux pratiques agricoles qui visent à l’abandon des pesticides et des engrais de synthèse ». Troisième sur cette liste, Eric Andrieu est actuellement député européen et très actif sur les questions agricoles. Il est notamment président de la Commission d’enquête sur l’autorisation des pesticides en Europe, rapporteur sur la réforme de la PAC et revendique la fin d’une agriculture intensive.
Renouvellement des générations
Qu’attendent, de leur côté, les agriculteurs français de l’Europe ? Les sujets sont nombreux : lutte contre les distorsions de concurrence entre pays membres ou non-membres de l’UE, révision des traités de libre-échange comme le CETA, législation sur les travailleurs détachés, harmonisation des normes à l’intérieur de l’UE (certains pesticides sont interdits en France mais autorisés en Espagne par exemple), régulation des prix, distribution des aides financières, ou encore installation des jeunes agriculteurs. Ce dernier sujet est d’une importance capitale, car que sera l’agriculture de demain sans les agriculteurs ? En France, 50% des exploitants agricoles partiront à la retraite dans les 10 prochaines années, et un sur deux ne sait pas s’il aura un repreneur. La question de la formation, de la transmission et de l’installation des jeunes est donc primordiale. La revalorisation de la profession agricole est également nécessaire. Difficultés pour s’installer, prix peu rémunérateurs, conflits avec le voisinage, agressions par des militants antispécistes, stigmatisation de l’agriculture conventionnelle par les médias… au quotidien, le métier peut relever du parcours du combattant !
Les agriculteurs innovent et s’adaptent aux transitions sociétales et environnementales, nous avons à coeur de vous le montrer chez Graines de Mane. La transition écologique est désormais sur toutes les lèvres et au programme de nombreuses listes pour les européennes. Reste à ce que les agriculteurs aient les moyens d’y participer et ne soient pas les grands oubliés de notre future Europe.
(1) Les six listes présentées sont celles qui réunissent plus de 5% des intentions de vote dans les sondages.