Depuis quelques jours le feuilleton sur la suspension du glyphosate, herbicide vedette de Monsanto, est reparti. Une quarantaine d’ONG a lancé le 8 février dernier une pétition européenne appelant à « l’interdiction du glyphosate, conformément aux dispositions européennes sur les pesticides, qui interdisent l’usage de substances cancérigènes chez l’homme ». Cette initiative survient notamment après que l’OMS a classé le glyphosate cancérogène, et les tergiversations des instances européennes à propos du renouvellement de son autorisation d’emploi en Europe. Au final, en juin 2016, l’Union européenne a finalement décidé de prolonger son utilisation pendant dix-huit mois jusqu’à la publication d’un nouvel avis scientifique.
Dans l’attente d’une éventuelle suspension d’autorisation de la molécule, la question dans les exploitations agricoles se pose donc de la manière suivante : comment faire sans le glyphosate ? Des agriculteurs arrivent à s’en passer ou bien à réduire les doses mais son statut d’herbicide le plus vendu dans le monde montre à quel point bon nombre de systèmes agricoles en sont dépendants… Et pas uniquement des systèmes d’agriculture intensive. Ainsi, certains agriculteurs, bien qu’engagés dans des pratiques environnementales vertueuses, continuent d’utiliser ce produit à faible dose. C’est par exemple le cas de l’agriculture de conservation, qui vise à garder un sol constamment couvert par de la végétation et à ne pas labourer le sol pour préserver au maximum sa structure, la vie qu’il héberge (vers de terre et faune diverse) et limiter l’érosion. Ces techniques représentent une solution pour augmenter la fertilité des sols et donc la durabilité à long terme des systèmes agricoles. En supprimant le labour, les agriculteurs améliorent la santé de leurs sols mais se passent d’un moyen efficace de gestion des mauvaises herbes. La bonne réussite de ces cultures dépend donc en grande partie de l’emploi d’herbicides, dont le glyphosate.
Pour ces agriculteurs, la suppression du glyphosate déboucherait donc sur une impasse technique qui pourrait avoir pour conséquence l’abandon de leurs pratiques environnementales vertueuses.
Les préoccupations de la société civile sont parfaitement légitimes et les agriculteurs font évoluer leurs techniques pour y répondre. Se rendre compte des effets des pratiques agricoles sur l’environnement ou la santé permet d’éclairer quotidiennement nos choix de consommateurs. Savoir comment sont produits les aliments qui se retrouvent dans nos assiettes est donc primordial. Comprendre les conséquences des volontés des citoyens sur la réalité du fonctionnement technique des exploitations agricoles aussi. Le débat soulevé par la suppression du glyphosate en appelle donc un autre : celui, urgent, de la recherche d’alternatives permettant aux producteurs d’éviter le saut dans l’inconnu, tout en répondant aux nouveaux défis environnementaux de l’agriculture. Chaque jour des producteurs, chercheurs, organismes de développement agricole, innovent pour des formes d’agricultures plus vertueuses. La suppression annoncée du glyphosate sera d’autant plus efficace si des alternatives durables sur les plans agronomiques, environnementaux et économiques sont développées. Supprimer, c’est une chose, proposer des alternatives, c’est encore mieux. Là est sans doute le vrai défi des acteurs de l’agriculture dans les années à venir.