Les sciences agricoles, pour l’autonomie technique des paysans

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Agriculteurs et chercheurs discutant autour d’un profil de sol

En agriculture, comme dans beaucoup d’autres disciplines, la distinction des concepts de science et de technique est souvent éclairante.  Là où la science désigne la compréhension du fonctionnement des choses (savoir pour savoir), la technique se réfère, quant à elle, à l’ensemble des procédés ou des savoir-faire utilisant des méthodes issues des connaissances scientifiques (savoir pour pouvoir). Un exemple agricole : labourer ou désherber chimiquement une parcelle sont des techniques correspondant à l’application de la malherbologie, la science des mauvaises herbes. Pour mieux maîtriser ces dernières, il est en effet impératif de connaître non seulement leur biologie mais également leur résistance à différents procédés de destruction.  Ceci étant dit, la dissociation des concepts de science et de technique ne doit néanmoins pas faire oublier leur liaison intime. La science sans technique n’a pas d’application concrète et donc pas de finalité. Parfois même, la technique précède la science : l’homme a utilisé des roues bien avant de connaître les lois scientifiques qui les régissaient. C’est le savoir empirique. A l’inverse, la technique sans la science ne permet pas d’appréhender pleinement les mécanismes à l’œuvre et de pousser alors encore plus loin le progrès.

Se méfier des préconisations clés en main

L’apprentissage des sciences agricoles par les agriculteurs apparaît donc comme plus que nécessaire pour permettre leur émancipation et leur progrès technique.  Faire des agriculteurs de simples exécutants de techniques agricoles revient, en somme, à les priver de leur liberté de compréhension de leurs actes, et donc de leur indépendance d’action et de progrès.  En ce sens, la pratique d’un conseil technique descendant où un sachant (technicien ou ingénieur) vient prodiguer des conseils à un agriculteur prétendument ignorant en est un exemple parlant. Cela peut ainsi s’illustrer par le bal des conseillers de sociétés commerciales, proposant  par exemple des engrais ou des produits phytosanitaires, tournant de fermes en fermes avec LA prétendue solution pour résoudre les problèmes techniques et améliorer la marge économique des agriculteurs. Fertilité des sols, maladies, mauvaises herbes… : à chaque problème posé, un produit apportera la solution ! Si contester l’efficacité systématique des solutions proposées n’a aucun sens – il y en a évidemment des efficaces –, il est bon de s’interroger sur la pertinence d’une telle vision descendante du conseil technique, qui transforme au final l’agriculteur en simple exécutant de recettes clés en main  sur ses terres. Dans le même registre, on ne peut que déplorer une vision parfois très idéologique des pratiques agricoles, les éloignant petit à petit de fondements scientifiques solides. Les poudres de perlimpinpin, qu’elles soient chimiques, bios ou biodynamiques restent souvent une perte de temps et d’argent pour leurs usagers.

L’apprentissage des sciences agricoles, facteur d’innovation et de résilience

A contrario, l’apprentissage et la diffusion maximale des sciences agricoles, sur des sujets aussi variés que le fonctionnement des sols, la biologie des plantes ou de leurs parasites,  permettront une prise de recul plus importante des agriculteurs envers les solutions clés en main que certains leur proposent. La confrontation de ces connaissances acquises et constamment discutées avec les conseils techniques reçus représentent une voie réelle pour l’autonomie technique des agriculteurs, et donc également pour l’innovation agricole, les bonnes idées pouvant sortir tout aussi bien des laboratoires que directement des fermes. Ce plaidoyer pour le renforcement d’un développement scientifique partagé, ouvert, mais rigoureux de l’agriculture est au fond un facteur de résilience de cette dernière face aux nombreux changements auxquels cette discipline va être confrontée. Remettre les sciences au cœur de l’agriculture, c’est au fond valoriser pleinement le métier d’agriculteur et le considérer à sa juste valeur, celui d’un acteur confronté quotidiennement à ce qu’il y a de plus complexe à comprendre et appréhender : le vivant.